Le courant et la boue

La vie est si courte, et les journées tellement longues.
Charrier péniblement des tonnes de boues,
Imiter Sisyphe avec le sourire,
Le flot tout proche du temps qui passe, lentement, comme un ruisseau anémique,
Et le grondement tellement présent de l’embouchure, au loin, qui se rapproche à grande vitesse. Lire la suite

Crime scientifique

J’attendais depuis trop longtemps pour compter encore les minutes. L’autre prenait son temps, comme à son habitude. Il n’aimait pas les visites, ou plutôt les visiteurs. Il accueillait toujours à bras ouvert l’annonce d’un résultat inédit ou le coursier qui amenait son dernier caprice. Mais les humains, ces systèmes imparfaits et vagues, quel ennui pour lui, des complications à l’infini pour un résultat invariablement proche de rien. Peut-être lisait-il son journal, s’attardant sur un article parfaitement inintéressant, tout acquis à son seul plaisir de vieux hibou: faire attendre un visiteur jusqu’à sa liquéfaction totale. Lire la suite

Neurofoncedé

Le vieux prit la pilule dans une main, l’écrasa avec le pouce de l’autre, et remplit son vapo de la poudre orange. Il prépara ensuite soigneusement l’intraveineuse, piquant sa carotide. Il enclencha le stimulateur de tronc, branché sur sa plug cervicale, et prit position pour une énième session de vol.

– Hopla, droit vers la tête. Tchao les mecs, je repars dans la matrice. Lire la suite

Michel et Jean, aux deux bouts de la chaîne

Fiction (?) Manichéenne (?) en 2 actes

Michel est ouvrier, il en reste. Un des derniers mohicans les mains dans le cambouis.
Il fut un temps ou Michel aurait été fier de ce qu’il faisait. Il aurait sûrement milité au PC, ou alors chez les gaullistes, les deux facettes de la glorieuse reconstruction de la France. Après un bilan militaire qui l’était beaucoup moins, tout le monde tentait d’oublier le passé en rêvant d’avenir. La der des der des der était juste derrière, on allait profiter de son déchainement d’intelligence appliqué aux techniques de mort pour construire un avenir radieux. Il se serait alors senti comme un maillon sur la chaine immense et semi-automatisée du progrès en marche. Il aurait été fier d’être ce maillon, si petit mais si incontournable, car un seul maillon cède et la chaine s’effondre.
Mais Michel est né après 60.